La Céréale
Chose promise, chose due. Nous irons donc, ensemble, à travers champs. Ballade bucolique ? Tout est relatif. Mais promis, celle-ci vous sera instructive.
Je m’attacherai à vous proposer une sélection, non exhaustive, de quelques céréales actrices du monde du whisky français. Certaines sont de véritables stars de la branche… On leur consacre d’ailleurs des appellations protégées. D’autres, plus insolites, attiseront la curiosité de nos lecteurs à la recherche de singularité.
Mais nous le rappelons, il existe en théorie… Tout autant de possibilités de whiskies que d’espèces de céréales comestibles. En France, ce ne sont pas moins de douze grandes espèces qui sont cultivées, laissant aux distillateurs tout autant d’alternatives à la réalisation de leur eau-de-vie. Et chaque eau de vie exaltera une aromatique différente, des notes herbacées, céréalières aux notes de sous-bois, en passant par celles fruitées.
1. L'Orge
L’INCONTOURNABLE : L’ORGE
À l’œil, l’orge se distingue aisément du blé par ses LONGUES BARBES qui dépassent de l’épi. Ses rendements sont extrêmement bons, avec 400 litres d’alcool pur par tonne de céréale distillée.
Les fidèles de la Maison Benjamin Kuentz le savent : l’orge, pour le moment, est la PRINCIPALE CÉRÉALE travaillée par la maison. Il s’agit du végétal phare, star, plébiscité à travers le monde pour la réalisation des whiskies les plus fins et complexes.
Avez-vous eu, d’ailleurs, l’occasion de pouvoir déguster des distillats d’orge maltée, avant vieillissement ? Si oui, vous devez savoir quelles aromatiques fines ces alcools blancs peuvent délivrer. Ces eaux de vies, développent des notes de miel, de fruits du verger, des arômes de céréale fraiche qui réveillent les sens et appellent le printemps… Comme une envie de replonger le nez là-dedans, tiens.
N’hésitez-pas à demander, lors de vos visites de distilleries, de France ou de Navarre, à humer cet « alcool blanc » d’orge maltée, vous comprendrez pourquoi je m’épands un peu à son propos ! Les amateurs de notre whisky (D’UN) VERRE PRINTANIER, eux, auront sûrement ces doux arômes en tête, nous parvenons à les garder intacts en faisant vieillir notre eau de vie dans des fûts de chêne quasiment neutres.
En France, tous les artisans du malt travaillent l’orge qui représente la majorité des réalisations.
2. Le blé
L’HISTORIQUE, LE BLÉ
Je ne vous le présente pas… Si ? Le blé est le végétal le PLUS CULTIVÉ EN FRANCE ET EN EUROPE, et ce depuis des siècles, aliment de base de la population depuis le moyen âge.
Ainsi, LES PREMIERS WHISKIES de grain ont été originellement élaborés à partir de blé et cette céréale reste toujours distillée abondement, permettant de gros rendements. Plusieurs variétés de blé existent mais pour la plupart, les eaux de vie obtenues ne sont pas aussi complexes que celles d’orge.
C’est ainsi que majoritairement, en France, on choisit d’intégrer le blé dans les whiskies d’assemblage, LES « BLEND », en compagnie de l’orge dans la plupart des cas.
3. Le seigle
L’OUTSIDER, LE SEIGLE
Le seigle refait surface depuis quelques années en France, notamment dans le Jura, en Isère, ainsi qu’en Ile-de-France. En effet, cette céréale, très proche de l’orge d’apparence, dispose de bien des avantages. Parmi les plantes citées dans l’article, c’est elle qui permet de tirer le plus d’alcool pur d’une tonne de matière première : 500 LITRES. Ensuite, elle est rustique, c’est-à-dire qu’elle pousse avec facilité même si les sols sont pauvres.
En plus de ses avantages purement agricoles, l’alcool de seigle est d’une excellente facture et SES ARÔMES PRONONCÉS, épicés sont très intéressants et tendance : le « rye whisky », le whisky de seigle, apparaît chez la plupart des cavistes et une clientèle émerge, attirée par le caractère atypique et puissant de cette céréale qui s’intègre très bien à des cocktails en vogue.
Allez goûter les rye que proposent nos distillateurs français, vous en serez, je l’espère, conquis !
4. Le sarrasin
LA CELTIQUE, LE SARRASIN
Quelques mots sur le sarrasin me semblent indispensables.
D’une part, pour éviter une rixe avec Benjamin, celui-ci est breton du côté maternel et très attaché à ses racines : si j’omets de traiter du blé… Noir, je risque un regard… Noir. Œil pour œil.
D’autre part, cette plante à fleurs -ce n’est pas une céréale, biologiquement, mais une plante comprenant des grappes de petites fleurs blanches-, distillée en Bretagne, permet un rendu très intéressant, AVEC DES NOTES DE FRUITS FRAIS ET SECS.
En plus de cela, son ancrage local, celtique, parle à tous ceux qui ont pu mettre les pieds en terre bretonne !
4. Le maïs
L’AMÉRICAINE, LE MAÏS
Bien que très PEU UTILISÉE PAR NOS DISTILLATEURS FRANÇAIS, quelques mots sur le maïs me semblent indispensables. En effet, le CÉLÈBRE BOURBON, en plus d’être distillé sur le territoire américain, doit-être réalisé à partir de grains de maïs, en majorité. Un seuil légal a même été fixée à 51%, pour pouvoir revendiquer l’appellation.
Le maïs est une graminée, dont la tige peut mesurer plus de 4m. La production des plans, importante, permet un rendement presque aussi élevé que celui de l’orge, et c’est l’une des raisons pour laquelle le premier producteur mondial de maïs, les USA, l’incorpore majoritairement dans sa recette du Bourbon.
En France, le maïs n’est pas beaucoup distillé, malgré le fait qu’elle soit la DEUXIÈME PRODUCTION VÉGÉTALE de l’hexagone, derrière le blé. Cela s’explique facilement, par le fait que le maïs apporte une aromatique très (trop ?) simple. Aux USA, le Bourbon est vieilli en fûts neufs. Le bois est donc l’instigateur premier de l’arôme, ce qui explique la neutralité recherchée du distillat.
5. Le sorgho
LA SULFUREUSE, LE SORGHO
Le sorgho est UNE GRAMINÉE TRÈS PROCHE DE LA CANNE À SUCRE. Elle s’en rapproche d’ailleurs d’apparence : une tige unique, pleine, séparée par des anneaux, longue de plusieurs mètres.
Mais cette tige… Comme la canne à sucre, contient une sève abondante qui, une fois distillée, crée UNE EAU DE VIE PROCHE DU RHUM. C’est la raison pour laquelle pour des raisons légales, le sorgho est une céréale sulfureuse : elle est très controversée aux Etats-Unis pour la réalisation des whiskies, sauf si le producteur s’efforce d’égrainer sa panicule, qui est l’inflorescence contenant les graines.
Récemment, certains producteurs d’eau de vie de mélasse de sorgho se sont vu accepter l’appellation « whisky » aux USA alors que c’était auparavant un alcool entrant dans la catégorie des « spiritueux de spécialité ». Le flou juridique autour de cette plante la rend d’autant plus attirante !
En Europe, la législation autour du whisky est différente. Ainsi, contrairement aux Etats-Unis où le whisky est une « EAU DE VIE DE GRAIN », elle est une « EAU DE VIE DE CÉRÉALES » sur le vieux continent. Et c’est donc comme cela que certains whiskies de sorgho peuvent développer des arômes étonnants, dénotant parfaitement des whiskies plus traditionnels.
Des projets autour du sorgho sont aujourd’hui en cours dans l’hexagone. Hâte d’en découvrir le résultat, s’ils aboutissent !