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Tout savoir sur le vieillissement au fût de chêne

Une fois votre eau-de-vie sortie de l’alambic, totalement transparente comme de l’eau de source, il est venu le temps de la faire vieillir au contact du bois pendant quelques années afin qu’elle acquière sa coloration et développe pleinement son potentiel aromatique. Cette étape est un art propre aux maîtres de chai qui veille à la bonne évolution du précieux nectar alcoolique. La Maison Benjamin Kuentz vous propose de passer en revue le fonctionnement et les particularités du vieillissement.

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Le whisky est une eau-de-vie de céréales, vieillie en fut de bois pendant un minimum de 3 ans et qui titre à minimum 40%.  Une fois l’alambic passé, il faut un chai et des fûts pour transformer l’eau-de-vie en whisky.  Ici, c’est le travail du temps et du maître de chai qui subliment notre eau-de-vie. A l’instar de notre whisky vieilli sous la mer.

Aux origines du fût

Invention attribuée aux Gaulois dans les écrits romains, le fût serait apparu environ au VIème siècle avant notre ère en Rhétie, mais ce sont bien les Gaulois qui ont développé cet art de la tonnellerie et du vieillissement pour conserver notamment la cervoise. Les tonneaux ont remplacé peu à peu les amphores du monde romain grâce à leur solidité et leur maniabilité.

 

Les Romains désignaient ces fûts sous le nom de cupa qui donnera cooper en anglais (tonnelier), mais le mot fût vient du celtique tonn (peau, sac en cuir) car on utilisait auparavant des outres en cuir pour transporter les liquides.

 

La première utilité des tonneaux était la conservation de la marchandise, puis il a servi à son transport, mais ce n’est qu’après qu’ils étaient conçus expressément pour l’élevage du vin et encore bien plus tard pour l’élevage de spiritueux. En effet, lors des transports entre le nouveau et l’ancien monde, les eaux-de-vie échangées ont acquis un vieillissement, le voyage prenant quelques mois. Les premiers vieillissements volontaires remontent au début du XIXème siècle.


L’essor du whisky au XIXème fît accroitre la demande de fûts et développa donc la tonnellerie, mais aussi le recyclage de fûts ayant élevé des rhums ou des vins.

Que le fût fût !

Avant d’acheter un whisky, ce dernier passe par un petit tonneau. Pour créer un fût, il faut du bois, notamment des planches de bois que l’on nomme douelles ou douves, et du fer pour cercler. L’étanchéité du fût provient de la dilatation du bois humidifié par le liquide à l’intérieur.

Lors de la création du fût, on chauffe l’intérieur du fût avec une flamme afin d’éliminer les composants indésirables du bois (résine) et d’apporter des arômes particuliers.  Contrairement aux fûts de vin qui sont faiblement toastés, ceux pour le whisky sont bousinés, c’est-à-dire brûlé à l’intérieur sur 3 à 5 mm de profondeur. De plus, l’épaisseur carbonisée se créant a un intérêt filtrant et purificateur. De nos jours, la chauffe est réalisée mécaniquement avec l’équivalent d’un lance-flamme et des machines faisant tourner le fût pour obtenir un bousinage uniforme.

Ce bousinage peut être plus ou moins poussé selon le temps de chauffe allant de 30 secondes pour le niveau 1 à 3 minutes 30 secondes pour le niveau 7 concernant les tonnelleries américaines. Selon la durée de chauffe, différents composés aromatiques du bois vont se concentrer ou bien apparaître : méthyl octalactone (noix de coco, épices), eugénol (clou de girofle), vanilline (vanille, pâtissier, chêne) etc.

Un fût peut servir des dizaines de fois pour le vieillissement d’un alcool. Il existe donc un gigantesque marché du réemploi de ces fûts usagés. De grands acteurs comme Jack Daniel’s travaillant en fût neuf vendent leur fût usagés à travers le monde et notamment aux Écossais et aux Irlandais.

Uisce De Profundis

La brise marine vient souffler sur ce whisky, lui conférant une salinité empruntée à la grande bleue, pour une aventure vingt mille lieues sous la mer bretonne.

La mise en fût

Sortie de l’alambic à 70-75% généralement, notre eau-de-vie doit être enfûtée. Quelques cas particuliers comme l’Irlande enfûte à 71%, les Américains à maximum 62,5% pour le bourbon notamment, les Écossais à 63,5% pour les malt whiskies et 68% pour les grain whiskies. Ces degrés ne sont pas arbitrairement choisis, ils sont étudiés pour maximiser l’interaction entre le bois et le distillat. Un trop haut taux d’éthanol agresse le bois et resserre les fibres, diminuant par conséquent la porosité et donc les échanges. De plus, plus le taux est bas moins la dilution prévue sera importante et donc plus les arômes du vieillissement seront conservés.

Le Lincoln County Process

Propre au Tennessee Whiskey , ce processus consiste à filtrer le distillat sorti de l’alambic sur une couche de minimum 3 mètres de charbon d’érable. Le distillat goutte après goutte traverse doucement ces charbons d’érable pendant une dizaine de jours et l’eau-de-vie résultant est moins granuleuse que les autres jeunes corn whiskies. Le goût et la texture caractéristique du Tennessee Whiskey est le produit de ce Lincoln County Process, nommé ainsi en référence à un compté de Moore.

Les chais

Une fois l’enfûtage réalisé, il faut stocker les fûts dans un chai pour le vieillissement. On distingue 3 types de chais :

 

les chais traditionnels : constitués de murs en pierre, d’un toit en ardoise et de sol en terre battue. La température et l’humidité (élevée) y sont assez stables, ce qui permet un excellent vieillissement.

 

les chais à racks : semblable à de grands hangars bétonnés avec des tôles, les fûts y sont entreposés sur des rails en métal sur 8 à 12 niveaux. Ils sont plus secs et sont plus sujet à des écarts thermiques, les fûts plus haut vieillissant plus vite.

 

les chais palettisés : rationalisés avec des chariots élévateurs qui déplacent des palettes contenant des fûts debout, ce mode de stockage est utilisé principalement pour des fûts de bourbon grâce à leur standardisation.

 

Les chais sont souvent à l’écart des villes à cause du caractère hautement inflammable de l’alcool. Par ailleurs, les fûts de différents âges sont mélangés au cas où une partie du chai brûlait afin de ne pas perdre une année entière d’un whisky.

L’élevage

Lors de l’élevage, les fûts vont faire vieillir l’eau-de-vie en faisant office de contenant étanche, mais conservant les échanges avec l’air extérieur par sa porosité.

 

Tout d’abord, le fût va absorber une petite partie du liquide, ce qui fera gonfler le bois et donc contribuera à son étanchéité. De même, la couche de quelques millimètres carbonisée est un charbon actif naturel qui va purifier le contenu, en transformant ou absorbant les composants soufrés.

 

Ensuite, le distillat va se colorer au contact du bois, notamment grâce à la pellicule carbonisées et les tanins du bois.

 

Certains composés du bois vont se dissoudre dans le distillat, donc contribuer à son profil aromatique et à sa texture : le chêne donne de la lactone, des sucres, des acides galliques et ellagiques etc.

 

Lors d’un vieillissement en fût de réemploi, l’ancien alcool qui a été élevé a une importance toute particulière. En effet, les lies de l’ancien alcool et même l’alcool encore contenu au fond, en plus ou moins grande quantité (environ 5% du volume du fût), donneront leurs arômes propres à eux et créeront un whisky peu commun.

 

Les échanges lors du vieillissement sont nombreux, et pourtant on ne comprend pas encore exactement les processus en jeu. Le liquide va respirer en échangeant avec l’air ambiant, ce qui contribue à la maturation en renouvelant l’air à l’intérieur du fût, qui favorise hydrolyse et oxydation.

L’affinage

L’affinage, ou finition, consiste a réalisé un second vieillissement dans un autre fût, très souvent dans un fût de réemploi. Cet affinage peut durer seulement quelques semaines, quelques mois ou bien quelques années, selon dépend du whisky que l’on souhaite créer.


Les whiskies ayant subi un affinage sont exceptionnels dans le sens premier du terme, même si une tendance apparait en France depuis quelques années,  car cela ne représente qu’une part infime des whiskies produits dans le monde. L’intérêt est évidemment de créer un whisky avec une aromatique spéciale qui provient du dialogue entre l’ancien alcool encore présent et l’eau-de-vie. Cela peut être aussi un argument marketing grâce à l’évocation du nom d’un domaine prestigieux ou simplement d’un vieillissement en fût de vin français (surtout à l’international).

Les anges aiment aussi ce nectar !

Tel un verre laisser au bord de la fenêtre, le fût va laisser s’évaporer une partie de l’eau-de-vie à cause de sa porosité. Cela s’appelle la part des anges. Cette dernière représente seulement quelques pour cent (de 1 à 4%) du volume par an sous nos tropiques, mais elle peut s’élever jusqu’à 15% selon le climat, la nature du chai et la taille du fût: Taiwan, Afrique du Sud, Caraïbes etc.

Évolution du degré alcoolique

Le degré alcoolique peut augmenter ou diminuer lors du vieillissement selon l’humidité du chai. Une atmosphère humide réduira la concentration en éthanol de par le caractère hygroscopique de ce dernier. Au contraire, une atmosphère sèche et déjà chargée en alcool aura tendance à faire s’évaporer l’eau, donc augmentera le degré alcoolique.

Décompte d’âge

Le temps passé en fût est évidemment important car il joue sur les arômes, la complexité , la couleur et la texture de votre whisky. Cependant, l’âge de votre whisky est devenu pour certains gage de qualité et cela appuyé par certaines marques, alors qu’il n’est pas le facteur premier pour la qualité de votre whisky. La distillation étant bien mieux maîtrisée depuis la fin du XXème siècle, il est possible d’apprécier d’excellentes eaux-de-vie malgré leur jeune âge. De plus, un whisky jeune sera plus frais et fruité, ce qui reste par conséquent une affaire de goût et de couleur, et non pas de qualité.

Lors de l’assemblage, le fût le plus jeune prime sur l’âge du whisky. C’est à dire qu’un whisky de 20 ans d’âge peut contenir des whiskies de 20 ans, 25 ans, 30 ans et plus.

Tel un sachet de thé…

Plus un fût a déjà travaillé, moins il impacte l’eau-de-vie lors de son vieillissement. On peut prendre l’analogie avec un sachet de thé qui va beaucoup infuser lors des premières utilisations et qui va presque devenir neutre après 10, 20, 30 utilisations. Le bois n’a plus autant de particules à donner, les échanges saturent le bois, une sorte de patine se créée et limite les échanges. Les fûts qui ont tellement travaillé qu’ils en deviennent presque neutres sont appelés fûts roux.

Les différentes essences

Un fût peut être fabriqué à partir de n’importe quelle essence de bois. Cependant, le chêne s’est imposé comme une référence grâce à son abondance, sa solidité, son étanchéité et son caractère rectiligne. Même s’il existe plus de 200 variétés de chêne, principalement 4 sont utilisées:

 

le chêne blanc (Quercus alba): abusivement nommé chêne américain, il est la principale variété utilisée, notamment par les tonnelleries aux États-Unis, mais aussi par le monde grâce au marché du réemploi saturé par ces fûts. Il est riche en tanin avec un grain fin.

 

le chêne pédonculé (Quercus robur): deuxième essence la plus utilisée, notamment pour le cognac. Il est très riche en tanin avec un gros grain.

 

le chêne sessile (Quercus sessiliflora): sous-variété de chêne pédonculé très répandue en Europe, notamment en France. Il a moins de tanin et un grain très fin et serré, donc moins aromatique. Incontournable dans le monde du vin, il est rare dans celui des whiskies.

 

le chêne asiatique (Quercus mongolica): présent dans l’Asie orientale, il est difficile à travailler avec des problèmes d’étanchéité. Il est très riche en tanin.



Les types de fût

Il existe des fûts de toutes les tailles avec une multitude d’essences de bois. Les principaux fûts utilisés pour le vieillissement du whisky sont :

le bourbon barrel : fût le plus commun, représentant 90% des fûts utilisés. Défini par les standards américain car destiné à la production de bourbon, il a une capacité de 180 (taille standard) à 208 litres. Il est fabriqué essentiellement en chêne blanc.

le hogshead : fût britannique tirant son nom (tête de cochon) d’une ancienne unité de mesure, il a une capacité de 225 à 250 litres.  Il est l’assemblage d’un fût de bourbon avec quelques douelles supplémentaires pour augmenter sa capacité.

le sherry butt : fût espagnol ayant servi au vieillissement de vins de xérès (sherry en anglais). Pouvant aller jusqu’à 1 000 litres, sa capacité avoisine souvent les 500 litres. Ce fût est légèrement toasté et donne une aromatique particulière de par le xérès qu’il a accueilli.

le puncheon : fût espagnol issu de la production de xérès de même, d’aspect trapu, il a une contenance autour des 500-550 litres. Beaucoup utilisé en Écosse, on fait souvent référence à lui lorsqu’on parle de sherry cask.

le quarter cask : fût généralement en chêne blanc, il a une contenance équivalente à un quart d’un sherry cask, donc 125 litres. L’interaction entre le bois et le l’eau-de-vie est plus forte car la taille est inférieure.

les barriques de vin : fûts de vin souvent en chêne blanc ou en chêne sessile européen, ils ont une capacité de 225 à 300 litres généralement. Ils servent rarement pour le vieillissement de base, mais plutôt lors de l’affinage en finition.

les fûts régénérés : fûts ayant vécu un cycle complet d’utilisation souvent une trentaine ou une quarantaine d’années.  Ce fût, au lieu de finir détruit en copeaux ou en décoration, a le droit à une seconde vie par l’intermédiaire d’un grattage et d’un nouveau bousinage. Cependant, il n’est pas neuf comme au premier jour et a donc perdu certaines de ses qualités, ils sont souvent utilisés pour le vieillissement de grain whiskies.

les fûts avinés : ce sont des fûts qui ont subi un mouillage avec un vin avant utilisation.

Sentez votre whisky… Prêtez attention aux délicates notes du temps… Admirez sa couleur et son éclat… Tout cela est le résultat de la convergence de divers métiers du tonnelier au maitre de chai, mais c’est surtout l’empreinte du vieillissement. Preuve en est que vieillir peut avoir du bon, tout comme la consommation d’alcool avec modération ! Et si vous souhaitez créer votre propre boisson, découvrez notre atelier pour faire son whisky.

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