La tourbe, élément si particulier et déterminant dans la conception de certains whiskies, concède le parfum fumé et atypique si caractéristique des whiskies tourbés.
Mais qu’est-ce que la tourbe ? Pourquoi l’inclure dans l’élaboration d’un whisky et quelles sont les notes si distinctives qu’elle procure en bouche ?
Décortiquons ensemble dans ce guide complet, la composition des whiskies tourbés et la façon de les déguster.
La composition du whisky tourbé
Particulièrement apprécié par certains connaisseurs, le whisky tourbé offre des notes fumées exceptionnelles et singulières, reconnaissables entre mille.
Ce goût marqué est dû à la combustion de blocs de tourbe qui permet au malt de s’imprégner des saveurs de fumée et de notes pétrolées, terreuses, médicinales, très typiques.
Qu’est-ce que la tourbe ?
La tourbe est une matière organique issue de la décomposition de végétaux. Elle se forme dans des tourbières : ce sont des zones humides pauvres en oxygène et colonisées par la végétation, permettant ainsi la formation d’un dépôt de tourbe sur les sols. Les tourbières sont présentes partout en Europe et particulièrement en Écosse. En Ecosse, d’ailleurs, elle a longtemps été utilisée comme matériau de chauffage en l’absence de forêts nombreuses. C’est donc en toute logique que les Ecossais ont traditionnellement séché le malt avec la matière première qui abondait chez eux !
Il existe plusieurs façons de sécher le malt. La tourbe intervient durant cette étape en tant que combustible naturel et traditionnel. Pendant sa combustion, elle délivre des fumées épaisses et grasses libérant ainsi des phénols, composés chimiques aromatiques qui génèrent ce fameux goût fumé et médicinal, parfois même iodé.
Quels sont les processus de fabrication ?
Chaque whisky est conçu à partir de grains de céréales germés, ce que l’on appelle le malt (céréale germée, ayant donc subi un processus de maltage). Cette germination permet l’obtention de sucres fermentescibles nécessaires à la fermentation alcoolique
Avant l’étape de la distillation, ces grains d’orge doivent être séchés dans des conditions optimales où la température est contrôlée. La tourbe peut alors intervenir lors de cette phase puisque ses saveurs vont être absorbées par l’orge encore humide. Le feu constitué de tourbe doit être gardé à basse température afin de libérer le plus de fumées grasses et épaisses possible, ce qui libère des phénols dont s’imprègne le grain.
Aujourd’hui il existe d’autres combustibles permettant le séchage du malt et conférant des saveurs nouvelles au whisky mais la tourbe demeure l’élément phare dans la conception des whiskies de par son fumet si caractéristique qui imprègne le malt. Le résultat : une palette aromatique fortement enrichie, pour des puissances et complexités aromatiques recherchées.
Comment consommer le whisky tourbé ?
Avec ses puissants arômes dus aux blocs de tourbe brûlés, qui parfument le malt vert, ce type de spiritueux ne laisse pas indifférent et ne peut se déguster à n’importe quel moment.
Tout d’abord, si vous dégustez le whisky autour du repas, les tourbés seront à conserver pour l’après repas. En effet, à l’apéritif, leur force aromatique peut venir saturer les papilles, qui ne sauront apprécier à leur juste valeur les mets suivants. De plus, si vous voulez commencer l’apéritif au whisky et continuer le repas par des accords mets et vins, en bon français, les tourbés auront globalement tendance à prendre le pas sur les autres flacons dégustés.
Dans la même logique, dans le cadre de la dégustation de plusieurs whiskies, l’idéal serait de goûter le whisky tourbé à la fin car les arômes de la tourbe restent longtemps en bouche et marquent fortement le palais.
Méthode de dégustation d’un spiritueux
Cette méthode s’applique à tous types de spiritueux, et se déroule en quatre étapes : la vue, le premier nez, le deuxième nez, et la bouche. Tout d’abord, observez la robe du whisky. Celle-ci pourra vous donner des informations sur les types de fûts utilisés, leur âge, et l’âge du whisky en tant que tel. Les whiskies clairs peuvent caractériser des whiskies jeunes ou bien ayant vieilli dans des fûts de réemploi ayant déjà beaucoup servi (que l’on appelle des fûts roux), qui ne marquent plus beaucoup l’eau de vie en couleur et en arômes. Comme un sachet de thé ayant été infusé plusieurs fois ! Les whiskies plus anciens ont tendance à développer des couleurs plus intenses, mais ces couleurs peuvent également témoigner de l’impact d’une barrique neuve qui diffuse de nombreux tanins. Certains fûts de réemploi, peuvent, pour leur part, donner des couleurs plus atypiques pour un whisky. Ainsi, les ex-fûts de Sherry ou de vin rouge tendront à diffuser leur couleur dans les whiskies qui vieillissent dedans. La robe du whisky peut donc vous orienter sur certaines caractéristiques de vieillissement de celui-ci ! Petite précision peut-être évidente pour certains… La tourbe n’a pas de couleur et toutes les eaux de vies peuvent être tourbées des plus claires aux plus foncées !
La deuxième étape de dégustation est le premier nez, qui s’effectue quelques minutes après le service du verre. N’hésitez d’ailleurs pas à servir votre whisky, tourbé ou non, et à patienter un peu pour qu’il s’ouvre et que les vapeurs d’alcool libérées suite au service se dissipent. Le premier nez, qui s’effectue sans “aviner” son verre, c’est-à-dire sans le tourner, permet d’appréhender les arômes les plus volatiles de votre whisky. Pour un tourbé, bien souvent, des notes dites empyreumatiques de fumée ou bien des notes dites primaires de céréales. Le second nez, troisième étape, intervient juste après. Faites rouler délicatement le whisky tourbé le long de votre verre sans le remuer comme nous le ferions pour un vin. Un spiritueux se traite avec délicatesse ! Pour éviter de réveiller l’alcool qui est en lui. Vous retrouverez ainsi les notes si singulières de la tourbe : eucalyptus, parfois goudron, ether, terre, humus… Tout un panel étrange qui fait voyager en terre celtique !
Une fois cette opération olfactive réalisée, vous pourrez enfin passer à la bouche et cette tant attendue première gorgée. Prenez une toute petite quantité de liquide et laissez le patienter sur le palais, comme s’il s’agissait d’un café bien chaud. “Mâchez” le ensuite, faites le donc circuler partout sur votre langue pour venir éveiller tous les capteurs sensoriels. A l’attaque, c’est-à-dire le premier instant de prise de contact en bouche avec le whisky, vous sentirez la puissance aromatique et alcoolique de celui-ci, puissance alcoolique qui s’atténuera au fur et à mesure des secondes où vous conserverez votre whisky en bouche. S’en suit ensuite le milieu de bouche, souvent plus rond et fort en notes boisées, et la finale qui, pour les whiskies tourbés, laisse une belle impression de fumée qui accroche parfois de longues minutes, et c’est tant apprécié !
Quelles sont les différences avec un whisky non tourbé ?
Le goût très prononcé de la tourbe marque la différence flagrante avec un whisky non tourbé. Etonnant non ? La palette d’arômes est assez large : les autres whiskies n’étant pas marqués si fortement par la tourbe, ils peuvent être primaires, c’est à dire fleuris, fruités ou céréaliers, secondaires, c’est à dire boisés, et épicés ou tertiaires, famille aromatique pouvant comprendre des whiskies fumés ou même iodés, salins… Marins ! Pour les amateurs de mer et de sensations fortes, n’hésitez d’ailleurs pas à aller voir notre aventure de vieillissements sous-marins Uisce de Profundis, une belle histoire mêlant passion, recherche et gastronomie !
Attention ! Un whisky ne se cantonne pas à une unique famille d’arômes, il peut les varier, les mélanger, plus il en développe, plus grande sera sa complexité, tant recherchée.
Concernant les grands classiques, Un bourbon tendra vers la vanille, aura un goût boisé voire floral, alors que d’autres affinés en fût de Sherry développeront des notes fruitées et épicées alors qu’un whisky de l’île d’Islay sera tourbé voire iodé. Le tour du monde des whiskies, c’est avant tout une aventure de goût !
Single ou blended malts ?
Apprenez à faire la différence entre les whiskies single malts et les whiskies blended malts. Le whisky est un travail d’assemblage, et ces appellation orientent vers les caractéristiques des whiskies assemblés !
Ce sont plusieurs céréales qui vont entrer dans la composition d’un whisky et ce que l’on appelle le “malt”, fait référence à une céréale maltée, très souvent l’orge. Ainsi un single malt est composé d’une orge maltée issue d’une même distillerie. Un whisky blended malt est quant à lui, le résultat d’un assemblage de whisky de malt issus de différentes distilleries et assemblés. Un Grain Whisky est un whisky issu d’un assemblage de whisky de malt et de grains (autre que de l’orge). Un single grain, si vous avez donc bien suivi, est un whisky d’assemblage de fûts distillés de plusieurs céréales provenant d’une seule distillerie, tandis qu’un blended grain est un assemblage de fûts de plusieurs céréales provenant de différentes distilleries.
Bien que les blends soient bien souvent considérés comme “inférieurs” qualitativement aux single malt, ceci est clairement à relativiser. Tout dépend de la qualité de la sélection des fûts, de leur assemblage, et de l’eau de vie initiale. Il est tout à fait possible de rater un single malt comme de faire un blend complètement exceptionnel. Allez goûter notre whisky édition limitée Aux Particules Vines #5, pour vous réconcilier avec le blend !
Il existe une grande variété de whiskies ! Il faut savoir que certains whiskies tourbés combinent des single grain et des singles malts tourbés, les méthodes d’assemblage sont nombreuses et offrent cette richesse de goûts et de saveurs unique aux whiskies.
Reconnaître un whisky tourbé
Les arômes diffèrent selon les procédés de fabrication et les quantités :
- Quelle quantité de matière a été brûlée ?
- Quelle était la température de brûlage ?
Ces questions font l’objet de plusieurs étapes de conception et chaque distillerie possède sa méthode.
Nous retrouvons généralement ces parfums : réglisse, cendre, épices, eucalyptus, clous de girofle et feu de bois. Plus la teneur de tourbe (le taux de phénols) est élevée, plus le goût sera fort. C’est la raison pour laquelle il existe une échelle de mesure du taux de tourbe, les ppm. Un whisky sous 15 ppm développera une tourbe très légère, elle sera légère jusqu’à 25, modérée jusqu’à 35 et élevée ensuite. Certaines distilleries proposent des records de concentration avec des whiskies titrant des concentrations supérieures à 100ppm.
Les whiskies d’Écosse
L’Écosse est fortement réputée pour ses whiskies et particulièrement pour sa tourbe. L’île d’Islay, située au sud-ouest de l’Écosse, est en grande partie composée de tourbe. Ces caractéristiques ont permis l’élaboration de single malts d’Islay ayant pour réputation d’être les plus tourbés et fumés des whiskies. Les malts présents sur l’île varient fortement puisque le nord produit des malts doux alors que le malt est plus intense dans le sud.
L’Écosse demeure l’un des plus importants fabricants de whiskies au monde. C’en est d’ailleurs très sûrement le parent ! En effet, le mot “whisky” provient de Uisce beatha, du gaelic écossais, signifiant “eau de vie”. La richesse et la variété de ses terroirs ont apporté une large palette de whiskies aux goûts et saveurs complexes et nuancés.
Que penser de la tourbe ?
La présence de la tourbe dans le processus de fabrication d’un whisky ne plaît pas à tout le monde mais c’est une matière première que l’on ne peut ignorer dans le paysage gustatif du whisky.
La récolte de la tourbe dans les tourbières demeure depuis les années 1950, une véritable tradition notamment sur l’île d’Islay. Ressource précieuse, la tourbe se régénère d’un millimètre par an et est le résultat de milliers d’années de transformation. Le nord et l’ouest de l’Écosse en regorge : certaines tourbières datent de milliers d’années.
Lorsqu’elle se consume, la tourbe ne produit que très peu de chaleur grâce à son fort taux d’humidité ; des fumées épaisses sont alors générées lors du séchage du malt, ce qui lui donne cet arôme de fumé si caractéristique.
Les whiskies les plus tourbés développent des arômes allant jusqu’au caoutchouc brûlé ou au poisson fumé. Son goût si particulier en fait un produit d’exception et très appréciable lors d’une dégustation.